Philippe Mendes est marchand d’art et collectionneur, professeur à l’Ecole du Louvre et conseiller artistique du prince Amyn Muhammad Aga Khan. Spécialiste de la peinture italienne du XVIIe siècle, le galeriste lusodescendant travaille aujourd’hui à faire connaître la richesse culturelle portugaise.
Écoutez l’entretien conduit par Didier Caramalho pour l’ALFA 10/13 de Radio Alfa. Une discussion qui a eu lieu le 27 février 2024 :
« Je suis né avec ça, ce goût pour l’art » avoue Philippe Mendes au micro de Didier Caramalho, dans les studios de Radio Alfa. Pendant ses quatre ans d’études de droit à la Sorbonne – durant lesquelles le jeune homme s’ennuie fortement – Philippe Mendes fréquente des amis qui s’intéressent aux arts décoratifs. Contrarié par le fait de ne rien y connaître, le franco-portugais avale des dizaines d’ouvrages sur le sujet. Plus il lit, plus il nourrit sa curiosité. Jusqu’au jour où son appétit pour le mobilier le mène à la peinture : « c’était alors irréversible ». Plus tard, lorsque Philippe Mendes découvre l’existence de l’Ecole du Louvre, il décide de passer le concours avec un ami, qu’il obtient « les mains dans les poches ». Toutes ses lectures prennent alors un sens ; ce n’est plus une passion, c’est sa vocation : « c’est peut-être un signe » se dit alors le futur galeriste.
Pendant ses six années au Louvre (dont un stage de fin d’études dans les musées du Vatican à Rome), Philippe Mendes comprend quelque chose qui sera décisif pour la suite de sa vie professionnelle : « je suis Portugais ». Ce que son nom n’avait pourtant jamais dissimulé, soudain, lui sautait aux yeux. Dès lors, en même temps que cette épiphanie, une autre, plus désagréable, lui vient : sa méconnaissance est abyssale. La sienne et celle des autres, futurs conservateurs ; personne ne connaît l’art portugais. « Je ne savais pas grand-chose mis à part mes quelques visites avec mes parents dans les musées et châteaux portugais » confie Philippe Mendes.
Il existe une école portugaise méconnue mais à découvrir. Le XVIe siècle portugais est une véritable école. Par la suite, la peinture portugaise suit les courants espagnols, français et italiens. Mais pas au XVIe : on les appelle les « primitivos » portugais
Quand on lui pose la question, le collectionneur et marchand d’art ne s’explique pas tout à fait cette inculture. Des problèmes d’éducation artistique au mauvais travail des professionnels portugais, en passant par le manque d’échanges et de dialogues entre les musées lusitaniens et internationaux, Philippe Mendes cherche aujourd’hui à réparer ces liens et à rattraper les retards.
En 2016, Philippe Mendes offre au Musée du Louvre un tableau de Josefa de Óbidos. La peintre portugaise, considérée comme la plus importante du XVIIe, trône alors dans la salle des peintures espagnoles aux côtés d’une toile de son père, Baltazar Gomes Figueira – toile qui avait été léguée à l’institution parisienne par un couple français dans les années 1980. Depuis sa donation, Philippe Mendes a observé un effet inespéré : tous les musées américains cherchent désormais des Josefa de Óbidos. Les toiles de la Portugaise jusqu’alors d’une « valeur financière raisonnable » voient leur prix quintupler. Le processus est simple : « plus on parle et plus on internationalise la peinture portugaise, plus elle sera reconnue » et demandée.
Philippe Mendes se lance dans une mission : faire acheter au Louvre sa première toile portugaise. Après six mois de négociations – et une histoire rocambolesque à découvrir en écoutant l’entretien ci-dessus – en octobre 2023, le marchand d’art vend alors à l’institution muséologique une splendide huile sur panneau, une Résurrection du Christ peinte vers 1540 par Cristóvão de Figueiredo et Garcia Fernandes. Un bijou de la renaissance portugaise. C’est une victoire pour le galeriste.
Le fait que le Louvre consacre une partie de son budget d’acquisition pour acheter une œuvre portugaise, est un signe très important que l’institution parisienne lance au monde.
Philippe Mendes dit être dans la bonne direction. Malgré des difficultés souvent rencontrées – d’ordre diplomatiques, financières ou encore politiques, notamment du côté portugais – le galeriste travaille dans un seul sens : « ouvrir les portes de la peinture portugaise à l’international ».
Alors, pour l’aider à débroussailler le terrain, l’ALFA 10/13 lui ouvre son micro.
Didier Caramalho