« Pour consolider l’union des gauches, il faut s’inspirer du Portugal, du 25 avril 1974 » – Gérard Filoche

Gérard Filoche ® AFP/Zakaria Abdelkafi
Gérard Filoche ® AFP/Zakaria Abdelkafi

Gérard Filoche est militant politique et syndical depuis six décennies. Figure majeure de la gauche française, directeur de publication de la revue Démocratie & Socialisme, il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrage dont La Révolution des Œillets, Portugal, 1974 aux éditions Atlande.

Écoutez l’entretien conduit par Didier Caramalho pour l’ALFA 10/13 de Radio Alfa. Une discussion qui a eu lieu le 2 avril 2024 :

 

Gérard Filoche n’est pas historien mais, selon ses propres mots, un « chercheur militant ». Il a écrit un ouvrage dense – un peu plus de 700 pages – et précis sur le dernier processus révolutionnaire en Europe. Cet évènement est survenu il y a 50 ans, un jeudi, le 25 avril 1974, au Portugal et il porte un nom : la Révolution des Œillets.

Vu de loin, le 25 avril 1974 était une Révolution d’opérette, une Révolution de palais, quelque chose venue d’en haut… alors que non ! Des millions de Portugais se sont mis en mouvement, c’était une vraie révolution sociale et pas simplement un coup d’Etat militaire. Un déferlement populaire absolument inouï !

Cette révolution a marqué les esprits pour plusieurs raisons : d’abord pour sa non-violence. Les capitaines d’avril ont fait tomber la dictature salazariste, vieille de 48 ans – la plus longue d’Europe occidentale -, en quelques heures à peine et sans utiliser la force. Les militaires insurgés ont mobilisé les codes traditionnels de l’insurrection, sans faire usage de la violence. Dans les faits, la Révolution des Œillets n’a provoqué « que » 5 morts et une quarantaine de blessés, tous imputables à la police politique du régime, la PIDE/DGS.

Gérard Filoche | La révolution des œillets. Portugal - 1974. Atlande, 712 p., 25 €
Gérard Filoche | La révolution des œillets. Portugal – 1974. Atlande, 712 p., 25 €

Une fleur symbolise la nature pacifiste de cette révolution : l’œillet. La légende raconte que le 25 avril 1974, une fleuriste lisboète, du nom de Celeste Caeiro, en aurait distribué aux capitaines dans les rues. Ces-derniers ont alors porté les fleurs à leur boutonnière : à jamais, la révolution sera connue comme celle des œillets.

Sans étudier l’histoire on n’a pas d’avenir conscient. Il ne faut pas faire table rase du passé, il faut s’en inspirer. La grande révolution portugaise de 1974 est une révolution qui est en tout point actuelle et riche d’enseignements pour qui vit et milite dans la France de 2024. On y trouve de façon surprenante tous les ingrédients des luttes sociales utiles pour aujourd’hui.

La Révolution d’avril est un exemple un suivre selon Gérard Filoche. Ce passé portugais doit inspirer la France, aujourd’hui – en trois points essentiels, à découvrir dans l’entretien plus haut. Le militant de Mai-68 s’est toujours intéressé à l’histoire de ce coup d’Etat. Malgré sa méconnaissance initiale du Portugal, qu’il considérait comme un « petit pays avec une dictature épouvantable », Gérard Filoche va, dans sa ville natale de Rouen, faire une rencontre décisive : Dominique Pouchin, journaliste et correspondant de Le Monde au Portugal. Après dix-huit mois de nombreuses discussions, d’échanges de lettres amicales et de lectures d’articles, le syndicaliste normand est éveillé à la cause portugaise. Il reconnaît dans Avril-74 ce qu’il avait aimé dans Mai-68. « On apprend dans une crise révolutionnaire comment se transforme la conscience de millions de gens » affirme-t-il. Ce soulèvement – d’abord des militaires, puis du peuple portugais – a donc inspiré à l’homme de gauche la rédaction de son dernier livre, La Révolution des Œillets, Portugal, 1974 aux éditions Atlande.

L’irruption populaire est au cœur de l’ouvrage de Gérard Filoche. « C’était une révolution sociale » insiste-t-il. Sous sa plume, le MFA – Mouvement des Forces Armées – est relégué au second plan, le chef d’état-major général António de Spínola devient un « ancien nazi, volontaire dans les troupes hitlériennes à l’Est pour combattre les Bolcheviks » et le peuple reprend toute sa place. La Révolution des Œillets pose des questions « théoriques et pratiques sur la nature des partis, la nature du salariat, la nature des pouvoirs, la lutte des classes, la situation internationale… pour moi, c’était un devoir d’étudier tout cela » avoue-t-il dans l’entretien ci-dessus.

La Révolution des Œillets, Portugal, 1974 est à lire avec une passion semblable à celle qui anime Gérard Filoche quand il nous la raconte.

Didier Caramalho

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