Fala francês, é casado com uma francesa. Uma entrevista surpreendente de Salvador Sobral ao « 20 Minutes »

Salvador Sobral: «Les Français sont un public difficile», estime le Portugais vainqueur de l’Eurovision

INTERVIEW Le chanteur portugais Salvador Sobral évoque pour « 20 Minutes » son nouvel album jazz qui sort ce vendredi, son rapport à la France et le concours Eurovision qu’il a remporté en 2017

Propos recueillis par Fabien Randanne

 

  • L’artiste portugais Salvador Sobral sort ce vendredi son deuxième album, « Paris, Lisboa ».

  • Le chanteur de 29 ans, qui a remporté l’Eurovision en 2017, revient à la musique après une longue hospitalisation en raison de problèmes de santé.

  • Salvador Sobral a un lien particulier avec la France. Son épouse, l’actrice Jenna Thiam, est française et ses séjours à Paris représentent pour lui « une libération », comme il l’explique à « 20 Minutes »

« En France, personne ne me connaît, ni ma musique », déplore d’emblée Salvador Sobral à l’autre bout du téléphone. Pourtant, le chanteur de 29 ans n’est pas complètement inconnu chez nous, ne serait-ce que parce qu’il a offert au Portugal​ sa première victoire à l’ Eurovision. C’était en 2017. Dans la foulée, alors qu’il devenait une gloire nationale, il a dû mettre sa carrière entre parenthèses pour ménager sa santé. Souffrant d’une insuffisance cardiaque, il a bénéficié d’une transplantation en décembre 2017. Celle qui fait battre son cœur, c’est l’actrice française Jenna Thiam, qu’il a épousée cet hiver. Grâce à elle – « à cause de l’amour », dit-il – il s’est mis à apprendre la langue de Molière, qu’il maîtrise brillamment. La preuve sur La Souffleuse, une chanson de son nouvel album, Paris, Lisboa, qui sort ce vendredi. Un disque tourné vers le jazz et, à l’image de l’interprète, empreint de sensibilité et d’envolées joyeuses. Deux aspects que l’on retrouve dans l’interview qu’il a accordée à 20 Minutes. La toute première qu’il a donnée intégralement en français.

Comment allez-vous ?

Là, je suis très bien. Je peux faire ma vie complètement normalement. J’ai été vraiment mal, l’année dernière. Et là, je peux courir, je peux jouer au foot, je peux vivre, quoi. C’est un peu bizarre parfois, je n’aurais jamais pensé que je pourrais vivre aussi normalement comme je le fais aujourd’hui. Je suis tellement reconnaissant de ça. C’est incroyable. J’ai bien récupéré, je suis jeune et le corps se régénère plus facilement. Ma motivation, l’envie de sortir de l’hôpital, ça m’a aidé aussi.

Il vous a été facile de revenir à la musique après votre hospitalisation ?

Physiquement, il y a eu des obstacles parce que ma voix a un peu changé. Ce sont des trucs techniques qui se jouent au niveau du diaphragme. J’ai dû faire une sorte de rééducation, tout seul dans ma chambre, en écoutant mes propres albums. Je m’imitais en chantant pour retrouver ma voix. Ça, c’était un peu difficile mais je pense que, là, je suis à 97 % de mes capacités. Emotionnellement, c’est trop tôt pour dire si je suis guéri totalement. Cela ne fait pas longtemps et à chaque fois que je pense à l’hôpital, je souffre encore un peu. Je n’ai pas encore tout surpassé.

Cette épreuve a nourri votre inspiration ?

Bien sûr. Tout ce que je vis est important pour ma musique. Que ce soir une belle chanson que j’écoute, un bon dîner, le fait d’être amoureux… accompagne ma musique et m’influence. La maladie et la guérison, ça a changé mon art aussi.

Votre album s’intitule « Paris, Lisboa ». Pourquoi ce titre ?

Quand je suis sorti de l’hôpital, j’ai commencé à faire beaucoup d’allers-retours entre Lisbonne et Paris parce que ma femme y vivait. C’était la première fois que je pouvais voyager tranquillement donc, pour moi, Paris représentait vraiment une libération. Ma compagne travaillait, je me promenais dans la ville, j’écoutais beaucoup de musique, j’allais à des jazz sessions au Duc des Lombards, au Sunset-Sunside, au Baiser Salé… J’ai aussi beaucoup lu, j’allais au cinéma. C’était vraiment important pour moi. Et Paris Lisboa est aussi un hommage à Paris, Texas de Wim Wenders que j’adore. C’est mon film préféré.

Vous connaissiez Paris auparavant ?

J’avais visité Paris en touriste. Mais je ne connaissais pas le Paris des Parisiens. Ma femme m’a présenté tout le côté artistique, le théâtre… J’adore le cinéma à Paris, on n’a pas ça à Lisbonne, malheureusement. Mon truc préféré dans cette ville, ce sont les petites salles. J’adore Le Champo [un cinéma du 5e arrondissement].

Dans la chanson « La Souffleuse », c’est la voix de votre femme, qu’on entend ?

(Il rit) Oui, oui. C’était une sorte d’hommage à Serge Gainsbourg parce que, parfois, il avait un petit chant comme ça (il prononce ces mots en les susurrant) et je trouvais ça rigolo. Tu as aimé la chanson ?

Beaucoup !

J’aimerais bien que les Français l’écoutent mais c’est difficile, la France est un marché difficile…

Le jazz s’adresse à un marché de niche…

Ça, c’est dans tous les pays. Le truc avec la France, c’est que les Français n’écoutent que de la musique française.

Et anglo-saxonne aussi…

Oui, oui. Mais ils sont difficiles comme public, mais moi, j’adore ça. C’est un bon challenge.

Vous ne pensez pas que la communauté portugaise de France, qui est très importante, pourrait être un public que vous pourriez atteindre ?

Bien sûr, j’adorerai avoir des Portugais dans mes concerts en France, si un jour j’en fais. C’est bien d’avoir des Portugais, mais si je suis en France, j’aimerais avoir des Français. Quand les chanteurs de fado viennent en France, ils ne jouent que pour des Portugais. J’ai beaucoup de respect pour les émigrés portugais. Ils ont travaillé dur en France, dans des milieux difficiles comme la construction ou comme concierges. C’est une génération très importante pour nous. Mais bien sûr que j’aimerais aussi jouer pour des Français, c’est compréhensible.

Sur votre album, vous chantez en portugais, évidemment, mais aussi en espagnol, en anglais… Vous voulez atteindre le public le plus international possible ?

Pas du tout. La langue pour moi n’est qu’un véhicule pour la musique. La langue est un instrument. Quand je reçois une mélodie, je pense soit en portugais, en espagnol ou en anglais.

Vous avez écouté la version française d’« Amar Pelos Dois », la chanson avec laquelle vous avez gagné l’Eurovision, par le duo Madame Monsieur ?

C’est possible, mais je ne suis pas sûr. J’ai entendu tellement de versions. Il faudrait que je l’écoute. Peut-être que si un jour je joue en France, je pourrais la faire. C’est beau ?

C’est une version que j’aime beaucoup, en tout cas.

La traduction est bien ? Parce que ça c’est difficile…

Il me semble qu’elle est plutôt fidèle au texte original. Je vous laisserai juger. Est-ce que vous regrettez d’avoir participé à l’Eurovision ?

Jamais ! Je ne parlerais pas avec toi si je n’avais pas participé. J’étais en Chine la semaine dernière, je n’y serais jamais allé si je n’avais pas gagné l’Eurovision. Je suis vraiment reconnaissant envers le concours. Bien sûr qu’il y a eu des côtés mauvais, quand j’étais malade, ou avec la presse qui a pu être méchante… Mais là, je ne vis que de belles choses que l’Eurovision m’a apporté. Etre écouté par 200 millions de personnes, ce n’est pas rien.

Après votre victoire, vous avez pris position contre ce que vous avez appelé « la musique fast-food » et vous avez été beaucoup critiqué pour ça. Vous maintenez ces propos ?

J’étais vraiment fondamentaliste à l’époque, parce que pendant une semaine je n’ai écouté que ça [les chansons de l’Eurovision] et je ne pense pas que cette musique soit délivrée avec une vérité émotionnelle. Mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut. Je ne pense plus comme ça. Je ne suis personne pour dire quelle musique est bonne ou non. Si la musique est donnée avec honnêteté, ça me va. A l’Eurovision, il y a un mélange de beaucoup de choses : c’est le spectacle, les lumières, la danse… La chanson se perd un peu dans tout ça.

Vous êtes la preuve du contraire puisque vous avez gagné sans chorégraphie ni pyrotechnie, non ?

Exactement. C’était l’exception. A l’Eurovision, c’est la proposition la plus différente des autres qui gagne, je pense. Cette année-là, c’était moi. L’année d’après, à Lisbonne, c’était la meuf qui faisait… [il s’interrompt] Je dis « meuf » parce que je ne sais pas comment dire, tu vois, j’ai appris le français slang [argotique]. Je crois qu’on ne dit pas « meuf »

On dit « femme »

La femme, voilà. Et puis mec aussi, mec. (Il rit). La femme qui a fait cette chanson [Netta Barzilai], avec ses bruits de poule, se démarquait. C’est toujours quelque chose de très différent et « choquant » qui gagne.

Vous n’avez d’ailleurs pas caché que vous n’aimiez pas la chanson de Netta Barzilai…

C’est pas mon truc, je ne vais pas acheter son disque, ça c’est sûr. Mais peut-être qu’elle n’achètera pas mon album non plus (il rit).

Faire des concerts en France, c’est en projet ?

Il n’y a pas de date encore. Comme je suis chez Warner Music, je crois que ça commence à bouger. Mais je suis un pessimiste, un pessimiste discret. Je me dis que je ne vais pas jouer en France et puis, un jour on m’appellera pour me dire qu’on va faire un concert à Paris, et moi, je serai complètement hystérique.

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