
C’est un témoignage précieux. Au micro de Didier Caramalho, Luis Rego a livré un récit empreint de lucidité et de tendresse sur sa trajectoire singulière. Un parcours marqué par la fuite de la dictature salazariste, une belle renommée dans la France des années 1960 et 1970 et une double identité jamais reniée.
Entretien avec Didier Caramalho dans l’ALFA 10/13 du 16 mai 2025 :
Dans cet entretien exclusif, Luis Rego est revenu sur sa vie marquée par l’exil et la scène. Né à Lisbonne en 1943, il a fui la dictature de Salazar à 18 ans et s’installe à Paris en 1962, après une première nuit passée dans le bidonville de Champigny-sur-Marne ; “j’ai commencé à vivre à Paris comme ça : à coucher dans un bidonville le premier soir” avoue-t-il en riant.
Luis Rego est passionné par le rock’n’roll et notamment par Les Beatles qu’il découvre lors d’un curieux « rancard » amoureux. Rapidement, il devient le guitariste du chanteur Antoine, avec le groupe Les Problèmes. Fin 1966, Les Problèmes et Antoine se produisent au Québec et en Italie ; une tournée qui marque la fin de l’aventure des Problèmes et le début des Charlots. Et c’est avec Les Charlots que Luis Rego connaît la célébrité, aux côtés de Gérard Rinaldi (1943-2012), Jean Sarrus (1945-2025), Jean-Guy Fechner et Gérard Filippelli (1942-2021). Le groupe enchaîne les tubes comiques, tout en suscitant la méfiance du régime portugais. Luis Rego sera arrêté à la frontière entre l’Espagne et le Portugal, accusé de déstabiliser l’État : “ils [la PIDE] m’ont conduit dans un bureau, ils ont fermé la porte derrière eux, on a longé un couloir puis ils m’ont mis dans une cellule sans rien me demander, ni comment ni pourquoi”. Apartisan et libertaire, il se dit “anti-salazariste par instinct” comme son père. Luis Rego a vécu Mai 68 mais c’est la Révolution des Œillets qui l’a intrinsèquement “bouleversé”. Le 25 avril 1974 “a été un choc”. Cette révolution d’avril, aujourd’hui, Luis Rego envisage de la convoquer dans un projet littéraire.
Au fil de sa carrière artistique, il sera acteur, réalisateur, auteur et chroniqueur radio sur France Inter, notamment dans « Le Tribunal des flagrants délires », où il partage l’antenne avec Pierre Desproges et Claude Villers ; “un très bon souvenir” confie-t-il. En septembre 1982, il y donne l’un de ses plus célèbres sketchs : face à un Jean-Marie Le Pen qui rit jaune, il décrit « La Journée d’un fasciste ».
Luis Rego, témoin discret mais essentiel d’une époque, continue d’écrire sa mémoire entre deux cultures, deux rives, et surtout beaucoup d’humour. Je le remercie pour ce moment privilégié.
Didier Caramalho
